Les femmes grandes perdantes de la réforme des retraites

Les femmes étaient en tête du cortège de la manifestation contre la réforme des retraites du mercredi 29 janvier à Dôle dans le Jura. Vêtue d’un bleu de travail et d’un foulard rouge et jaune dans les cheveux, elles ont repris les codes vestimentaires de Susie la Riveteuse sur la célèbre affiche de propagande américaine de 1943, « We can do it ! ».
Et ce n’est pas un hasard. La réforme des retraites proposée par le gouvernement est « le miroir grossissant des inégalités professionnelles entre les hommes et les femmes » pour Céline Binet de la CGT.

Egalitaire, certes, mais avant tout, profondément inéquitable. Alors, dans les cortèges, les femmes se font entendre pour faire valoir que leur contribution à la société par leur travail rémunéré et la grande part de travail non rémunéré qu’elles fournissent vaut bien plus que ce trop simple comptage de points proposé par le gouvernement.
Car la réforme pénalise toutes les femmes. Celles qui représentent 70% des effectifs à l’agence Erasmus+ France / Education Formation comme en France ont du souci à se faire.

Explication point par point.

Moins d’années de cotisation et des salaires bas = faible nombre de points
Dans un système par points, chacun doit accumuler des points. Ces points accumulés prennent sens au regard de deux éléments complémentaires : la durée de cotisation (pour acquérir un nombre suffisant de points) et le montant des salaires (pour donner une valeur au point).
Or, plusieurs indicateurs montrent que les femmes ne pourront pas avoir le nombre de points nécessaires pour partir en retraite à taux plein. Tout simplement parce que le temps des femmes n’est pas celui des hommes. Pour preuve, le taux d’activité féminine proche de celui des hommes en début de carrière, mais qui s’en écarte au bout de quelques années notamment parce que les femmes sont nombreuses à cesser leur activité pour élever leurs enfants. A ces interruptions d’activités s’ajoutent les temps partiels : 90% des personnels de l’agence Erasmus+ à temps partiel sont des femmes. Cet usage de leur temps pour des activités non rémunérées pourtant indispensables à la société ne permettra pas aux femmes d’accumuler suffisamment de points.
Puis, il y a les salaires qui lorsqu’ils sont bas pénalisent particulièrement dans un système par points. Or, il est avéré que les femmes sont plus nombreuses dans les secteurs les moins rémunérateurs, comme l’éducation. D’ailleurs, 60% des personnels de l’agence Erasmus+ gagnent moins de 1 800 € nets/mois (quand le taux est de 50% en France). Avec la référence aux 25 meilleures années (privé) et aux 6 derniers mois (public) qui disparaît, toutes les années sont prises en compte, celles des débuts où les salaires sont plus bas comme les autres. Cette augmentation de l’assiette de calcul des retraites a pour effet mécanique de baisser le montant des pensions. Autant d’indicateurs du montant faible des futures pensions.
Le gouvernement a promis une réforme des salaires, piliers du système par points, indispensable pour faire valoir l’égalité salariale. Sans préciser ni la forme qu’elle prendra ni son calendrier. Sera-t-elle l’occasion de lever le gel du point d’indice qui conduit chaque année à une perte du pouvoir d’achat ? Ou bien l’occasion de revaloriser les salaires ? Rien n’est moins sûr. Car l’objectif premier d’un système par points est de faire baisser le niveau des pensions. C’est même François Fillon qui l’a dit…

Age pivot = carrière incomplète
L’âge pivot est un autre élément qui influe sur la durée de cotisation. Son augmentation pénalise les femmes, un peu plus que les hommes. Parce qu’elles ont des carrières hachées – ce sont elles qui arrêtent de travailler pour élever leurs enfants ou pour s’occuper de personnes dépendantes – elles devront travailler plus longtemps, leur travail non rémunéré n’étant pas reconnu. Plus l’âge pivot augmente, plus le nombre de femmes partant avec une carrière incomplète augmente. Aujourd’hui 40 % des femmes partent avec une carrière incomplète…
L’argument principal du gouvernement pour augmenter l’âge pivot, c’est l’accroissement de l’espérance de vie. Sauf que pour être juste, il faut le nuancer : l’espérance de vie en bonne santé est de 64,1 ans pour les femmes, soit l’âge pivot actuellement retenu ! Conclusion : cette réforme ne permettra pas de profiter de la retraite. Et par là même se pose la question de la place de l’être humain dans la société : devons-nous accepter d’être réduits au rang d’outils de production ? N’est-ce pas aussi une forme de reconnaissance du travail accompli que de laisser un temps de repos aux travailleurs après une vie de travail tout en leur permettant de vivre décemment ?

Remise en cause des droits familiaux
La réforme pénalise les mères en supprimant deux dispositifs, la Majoration de Durée d’Assurance, qui permettait de valider des trimestres de cotisation pour chaque enfant et donc d’améliorer le montant de la pension de retraite, et la majoration de pension de 10% pour la mère et le père des familles de 3 enfants et plus. A la place, le gouvernement prévoit une majoration de 5% par enfant et 7% à partir du 3ème enfant attribué à l’un des deux conjoints au choix. Outre que le fait que ces taux ne compensent pas les deux dispositifs précédents, cette majoration qui est exprimée en pourcentage aura tout intérêt à être indexée sur le salaire le plus élevé : soit celui des hommes. En cas de séparation, les femmes sont perdantes… Quand on sait de 45 % des couples se séparent… Le diable se niche dans les détails.

Une pension minimale sous le seuil de pauvreté
La pension minimale annoncée aurait pu être une bonne nouvelle si elle n’avait pas été en-dessous du seuil de pauvreté et réservée aux carrières complètes. Ce dernier critère en exclue les femmes aux carrières hachées.
A cela s’ajoute une fragilisation de la pension de réversion dont les bénéficiaires sont les femmes à 90%, pension qui apporte un complément bienvenu quand les revenus du travail ont été faibles et variables.

Manque de transparence sur le calcul des pensions = encouragement de la capitalisation
La réforme des retraites fait dépendre les pensions de trois paramètres différents – la valeur d’acquisition du point, la valeur de restitution du point et l’âge pivot – qui sont autant de variables d’ajustement que le gouvernement activera en cas de conjoncture défavorable. Peu d’information circule sur ce point à ce jour, mais c’est pourtant un point essentiel qui concoure à la maîtrise de l’enveloppe globale consacrée aux retraites.
La conséquence principale de ce manque d’information et de la baisse générale du niveau des pensions est d’encourager les Français à ne compter que sur eux-mêmes.
Car pour compenser ce que le système de mutualisation intergénérationnelle ne fera plus, chacun individuellement devra constituer son épargne. Ce qui ravie les fonds de pension qui lorgnent sur l’épargne des Français depuis longtemps. Ce système par capitalisation favorise évidemment les revenus les plus élevés qui peuvent épargner plus. Et comme les femmes sont souvent empêchées dans leur vie professionnelle (plafond et parois de verre, inégalités salariales, etc.), elles seront inévitablement défavorisées dans ce nouveau système.

Une réforme idéologique
L’étude d’impact présentée par le gouvernement n’a pas convaincu et a été rapidement décriée par le collectif « Nos retraites » suivi par les syndicats dont FO. Le Conseil d’Etat a lui égratigné le travail du gouvernement qui prévoit de recourir à 29 ordonnances pour faire passer sa réforme en force et a souligné le caractère « lacunaire » des projections financières.
Avec cette réforme qui a pour objectif principal de limiter la part des retraites dans le PIB à 14% -chiffre sans fondement économique – les mécanismes qui visaient à réduire les inégalités sont rabotés. Limiter les dépenses de l’assurance retraite dans un contexte d’augmentation du nombre de retraités aura une conséquence : nous serons plus nombreux à nous partager un gâteau qui restera le même.

Le SNEFIE FO refuse cette réforme qui appauvrit tous les travailleurs en confortant les inégalités présentes aujourd’hui dans notre société. Il soutient toute réforme ayant pour objet la mise en place d’un système équitable et financièrement viable notamment l’idée d’une augmentation des cotisations patronales pour la période à venir où le nombre de retraités sera plus élevé au motif que cette augmentation est faible et soutenable. Il soutient toutes les mesures favorisant l’égalité salariale et la revalorisation des métiers dans lesquels les femmes sont concentrées ainsi que celles visant au partage équitable des tâches domestiques et d’éducation.

Pour information :
CGT – Egalité Hommes-Femmes au travail : http://www.egalite-professionnelle.cgt.fr/
Collectif nos retraites : sur facebook

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