« Je me heurte à la vie en permanence »

Le SNEFIE FO a recueilli le témoignage d’un personnel de l’agence Erasmus+ France / Education Formation sur ses conditions de vie. Le constat est accablant. Bas salaire, évolution à l’ancienneté trop lente pour suivre l’augmentation du coût de la vie et absence d’évolution interne ont leur corollaire : paupérisation, démotivation et perte de confiance. Un gâchis humain au profit de la seule performance de l’agence.

Combien gagnes-tu ?

1550 € net.

Depuis quand travailles-tu à l’agence ?

J’ai commencé il y a plusieurs années à l’agence avec le Smic de l’époque. Ce n’est que depuis deux ans que j’ai passé la barre des 1500 €. Mais pour un loyer, il faut avancer trois fois le montant du loyer… C’est comme un combat perdu d’avance. Je me heurte à la vie en permanence. Je suis en désarroi, je me demande comment je vais y arriver.

Où vis-tu ?

Je suis hébergée chez des membres de ma famille car je n’ai pas les moyens de trouver un logement décent sur Bordeaux. Même avec l’augmentation à l’ancienneté tous les deux ans, je ne peux pas me loger car les loyers ont augmenté beaucoup plus vite que cet avancement.

Peux-tu décrire comment se passe un mois pour toi ?

Comme je suis hébergée chez des membres de ma famille, je vis une situation un peu particulière. Mon mois, je le gère surtout de façon nerveuse et psychologique. J’ai encore une vie d’étudiante et j’ai un sentiment de honte d’être encore une « Tanguy » par obligation.

Comment cela influence-t-il ta vie quotidienne ?

Je vis avec des dilemmes. Je ne peux qu’espérer un logement en dehors de Bordeaux ce qui implique de rallonger mes temps de transports. Je vais sûrement devoir m’acheter une voiture alors que je n’en ai pas les moyens…

Je ne sais pas pourquoi je vais encore au boulot puisque je n’arrive pas à me payer une vie décente. Je ne demande pas un salaire de 3000 €. Je voudrais que mon salaire soit en adéquation avec mes tâches d’abord et aussi en adéquation avec l’inflation. Les charges augmentent régulièrement, mais les salaires ne suivent pas. Et mon salaire n’a jamais suivi.

Quelle confiance as-tu en tes moyens pour devenir indépendante, sur une échelle de 1 à 10 ?

… Tout ça me fatigue. Je me suis découragée.  J’ai baissé les bras devant les agences immobilières depuis quelques temps. Je connais leurs critères et je sais que je ne les remplis pas… Alors mon niveau de confiance… Il doit être de 4 ou 5 sur 10. Je ne me vois pas vraiment d’avenir.

Ce système qui tire tout vers le bas provoque découragement et perte de confiance. Et l’on constate que les gens acceptent cette situation malgré l’inconfort et le mal-être qu’elle procure…

C’est ça. J’ai l’impression de ne pas avoir le choix. Je ne peux pas quitter mon boulot comme ça dans le contexte actuel.

Comment cette situation influe-t-elle sur ton travail ?

J’ai une profonde démotivation, une grande lassitude. Après plus de dix ans à l’agence, j’ai l’impression que mon travail n’a pas été reconnu. La réorganisation de 2011 ne m’a pas bénéficié. Alors aujourd’hui, je n’ai plus la force d’aller plus loin que le clic que l’on me demande de faire.

As-tu essayé de changer de poste en interne ?

Oui mais je n’ai pas été retenu. J’ai essayé la promotion interne mais ça n’a pas marché non plus. Dans mon département, les fonctionnaires sont prioritaires quand il y a un poste à pourvoir, les vacataires (NDLR : bien que plus nombreux) ont ce qui reste. Je n’ai jamais rien eu dans ce contexte. En fait, à l’agence, il n’y a pas de mobilité interne.

Es-tu allé voir la MRRH ?

J’ai envoyé un mail pour savoir si l’initiative qui existait il y a quelques années allait être relancée : à l’époque, les RH nous envoyaient des informations sur les logements sociaux disponibles. Ça nous permettait d’accéder à ces logements à loyer modéré.

Que t’a-t-on répondu ?

Que c’était possible. Mais je n’ai pas eu de réponse plus précise.

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